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Entretiens de chimiothérapie orale : généralités
Avec l’augmentation du nombre de patients traités par chimiothérapie orale, le pharmacien d’officine se voit confier un rôle essentiel dans la prise en charge des patients souffrant de cancers, via les entretiens pharmaceutiques.
En 2021, plus de 363 000 personnes ont été traitées par chimiothérapie.
Les données liées aux chimiothérapies anticancéreuses mettent en évidence une activité de chimiothérapie en France toujours croissante et en mutation du fait du développement particulier des chimiothérapies par voie orale, en particulier de la médecine de précision.
En pharmacie d’officine, les dépenses consacrées à des médicaments anticancéreux ont augmenté de plus de 10,4 % par rapport à 2020 et s’élèvent à 3,45 milliards d’euros en 2020. Depuis plusieurs années, la part des anticancéreux progresse pour atteindre 16 % de l’ensemble des dépenses (chiffres INCA).
Les thérapies ciblées représentent 66 % des dépenses d’anticancéreux en pharmacie de ville en 2021. Leur part ne cesse d’augmenter depuis quelques années. Les hormonothérapies délivrées en officine regroupent quant à elles 31 % des dépenses liées aux d’anticancéreux en 2020 (chiffres INCA).
De plus en plus de patients initialement traités en milieu hospitalier se traitent chez eux grâce à la disponibilité des anticancéreux en pharmacies d’officine. Ce nouveau paradigme de prise en charge est plus confortable pour les patients, mais à certains égards peut être à l’origine de difficultés. D’où l’importance d’une médecine interprofessionnelle et de pharmacies formées à l’accompagnement de ces patients.
Suivi en ville des patients traités par chimiothérapie orale
Télésurveillance
Depuis le 1er juillet 2023, l’Assurance Maladie prend en charge les activités de télésurveillance médicale pour les pathologies ayant reçu un avis favorable de la Haute Autorité de santé (HAS) et fait l’objet d’une publication au Journal officiel par arrêté ministériel.
La télésurveillance est un nouvel outil dans le parcours de prise en charge des patients. En cancérologie, elle a pour objectifs d’améliorer le suivi, de sécuriser le parcours de soins et de favoriser la continuité de la prise en charge.
La télésurveillance est un acte de télémédecine organisé autour d’acteurs (patients, professionnels de santé…) et de solutions numériques. En pratique, la télésurveillance consiste à analyser des données et des alertes transmises aux professionnels de santé par un dispositif numérique, pour anticiper et prévenir les complications de la maladie et les effets indésirables des traitements.
Plusieurs plateformes de télésurveillance permettent aujourd’hui d’accompagner les patients souffrant de cancers et traités par chimiothérapie orale. Néanmoins, les patients et tous les acteurs impliqués jugent indispensable d’inclure les professionnels de santé de ville dans le suivi de ces patients au quotidien.
Suivi des patients traités par chimiothérapie orale impliquant le pharmacien d’officine
Les pharmaciens d’officine, en collaboration interprofessionnelle, peuvent aujourd’hui intervenir dans le cadre de différents types de parcours de prise en charge dont les modalités pratiques sont différentes mais qui ont tous le même objectif : améliorer la prise en charge du patient.
Les différents types de parcours de prise en charge du patient traité par CTO sont :
- A l’échelle nationale :
- Dans le cadre du soin courant : l’avenant 21 à la convention pharmaceutique avec l’Assurance Maladie ;
- L’expérimentation Onco’ Link – Thérapies orales (Article 51) ;
- A l’échelle régionale :
- L’expérimentation AKO@dom-PICTO (Article 51, région Grand-Est).
- A l’échelle locale :
- Prescrip’Onco (Centre hospitalier d’Avignon)
Différence entre les différents types de parcours pour les entretiens de chimiothérapie orale
Caractéristiques | Expérimentation Article 51 Onco’Link | Avenant 21 Assurance Maladie | Prescrip’ Onco |
---|---|---|---|
Avenantdie | |||
Localisation | Nationale | Nationale | Locale |
Porte d’entréeInclusion du patient | Inclusion par l’hôpitalle pharmacien d’officine est contactée par le pharmacien hospitalier pour participer à l’expérimentation | Inclusion par le pharmacien d’officine | Inclusion par l’hôpitalLe pharmacien d’officine est contacté par le pharmacien hospitalier |
Déroulement | Entretien initial réalisé par l’hôpitalEntretien de suivi de dispensation à réaliser par le pharmacien d’officine | Année 1 :-Entretien initial-Entretien vie quotidienne et effets indésirables-Entretien de suivi d’observanceAnnées suivantes :-Un entretien d’observance les hormonothérapie-Deux entretiens pour les autres molécules | Entretien initial réalisé par l’hôpitalPuis comme pour l’avenant 21 |
Paiement | A chaque fin de séquence | A la fin du dernier entretien de l’année | A la fin du dernier entretien de l’année |
Facturation | Le paiement est déclenché par l’hôpital | Le paiement est déclenché par le PHO dans son LGO | Le paiement est déclenché par le PHO dans son LGO |
Avenant 21
Depuis 2012, les missions de santé publique des pharmaciens intègrent la mise en place d’un accompagnement pharmaceutique des patients sous traitements chroniques : anticoagulants oraux (AVK et AOD), corticoïdes inhalés dans le traitement de l’asthme et bilan partagé de médication des patients âgés polymédiqués.
L’avenant n° 21 à la convention nationale des pharmaciens titulaires d’officine du 4 avril 2012 complète ce dispositif par l’instauration d’un nouvel accompagnement dédié aux patients atteints d’un cancer et qui suivent un traitement anticancéreux oral (JO du 30/09/2020).
Les objectifs sont multiples :
- rendre le patient autonome et acteur de son traitement ;
- limiter la perte de repères de ces patients ;
- favoriser le suivi, le bon usage et l’observance des anticancéreux oraux ;
- informer le patient et obtenir l’adhésion à son traitement ;
- l’aider dans la gestion des traitements ;
- prévenir les effets indésirables ;
- assurer une prise en soins coordonnée du patient.
En pratique
La première année, on retrouve :
- Un entretien initial
- Un entretien “vie quotidienne et effets indésirables”
- Un entretien de suivi de l’observance
La deuxième année de l’accompagnement, il convient d’adapter la séquence d’accompagnement au type de molécule :
- pour l’hormonothérapie (tamoxifène, anastrozole, letrozole, exemestane), et les traitements au long cours (methotrexate,hydroxycarbamide, bicalutamide) : un entretien d’observance ;
- pour les autres molécules : un entretien sur la vie quotidienne et les effets indésirables et un entretien d’observance.
Article 51 Onco’link – Thérapies Orales
L’expérimentation Onco’Link Thérapies Orales rassemble 43 établissements hospitaliers, portant un parcours coordonné ville-hôpital pour accompagner la prise en charge des patients sous anticancéreux oraux.
Aujourd’hui, 6710 patients ont été inclus dans l’expérimentation. Cette expérimentation est une innovation organisationnelle permettant la mise en place pour les patients traités par anticancéreux oraux d’un circuit pluriprofessionnel ville-hôpital, appuyé par des échanges hebdomadaires avec le patient.
Ce parcours est centré sur la primo-délivrance de ces médicaments, la surveillance de l’observance et le suivi des effets indésirables à domicile.
Un mode de financement innovant : construit par séquence :
- Séquence 1 : 1 cycle pour l’initiation du traitement
- Séquence 2 : 3 cycles, renouvelables pour le suivi proximal de ces patients
- Séquence 3 : 6 mois, renouvelables, déclenchée par indication du médecin référent, pour un suivi distal des patients stabilisés
Rôle du pharmacien d’officine dans cette expérimentation
Le pharmacien d’officine est le principal acteur de ville dans le dispositif, il est en lien avec le pharmacien hospitalier et/ou l’IDEC au cours de toute la durée du suivi du patient. Il sert à la fois de principal point de contact physique pour le patient, et assure en lien avec le pharmacien hospitalier les missions ci-contre.
Les objectifs de l’accompagnement par le pharmacien des patients traités par anticancéreux oraux sont multiples :
- rendre le patient autonome et acteur de son traitement,
- limiter la perte de repères de ces patients,
- favoriser le suivi, le bon usage et l’observance des anticancéreux oraux,
- informer le patient et obtenir l’adhésion à son traitement,
- l’aider dans la gestion des traitements,
- prévenir les effets indésirables,
- assurer une prise en charge coordonnée du patient.
Onco’Link : quelles perspectives ?
La fin de l’expérimentation est prévue pour octobre 2024.
L’article 22 du Projet de Loi de Financement de la Sécurité Sociale (PLFSS) 2024 vise à généraliser des expérimentations réussies, introduisant des parcours coordonnés renforcés financés collectivement.
Pour chaque type de parcours, des arrêtés définiront l’organisation, les prestations couvertes et les montants forfaitaires. Les professionnels impliqués constitueront une équipe de soins, partageant des informations protégées par le secret médical.
Les interventions des professionnels seront exclusivement financées par un forfait, déterminé en fonction de la fréquence du suivi, de la complexité de la prise en charge et des ressources mobilisées. Les modalités de répartition seront définies dans un projet de parcours coordonné renforcé.
Devant le succès d’Onco’Link, il est très probable que ce parcours intégrera le soin courant à travers ce nouveau dispositif des parcours coordonnés renforcés.